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    Nous tâcherons ici d'analyser les arguments scientifiques. A contrario de l'onglet "Acteurs", l'ensemble des arguments présentés ici proviennent uniquement et spécifiquement d'articles scientifiques.

 

     Pour réaliser cette tâche, nous allons procéder de la façon suivante : les arguments scientifiques seront regroupés selon le groupe d'acteur auquel ils font référence (gouvernement, enseignant...), puis analysés en fonction de leur positionnement par rapport à la réforme.

Enseignants

Positif

     Pour les enseignants, il apparaît comme nécessaire de réformer les rythmes scolaires (Bonnard & Perret, 2016 ; Conrath, 2013). Certaines équipes ont pu observer les effets bénéfiques de la réforme directement sur le terrain : si cela leur a demandé de prendre en compte la fatigue des enfants avec des temps de pause (les enfants passant plus de temps à l'école avec la réforme), les professeurs des écoles ont remarqué que les élèves étaient plus attentifs sur les temps scolaires (dir. Courty & Dupeyron, 2017).

Négatif

     A l'inverse, d'autres chercheurs ont mis les problèmes rencontrés par les professeurs des écoles, dont la surcharge de travail. Les premiers touchés sont les directeurs d'école, dont les tâches deviennent peu à peu assimilables à celles d'un directeur de ressources humaines (dir. Courty & Dupeyron, 2017). Le directeur d'école étant un enseignant comme les autres, il est également soumis aux problèmes de ses collègues comme l'augmentation du temps de concertation entre intervenants, parfois multiplié par quatre (dir. Courty & Dupeyron, 2017). Si ce temps de concertation existe, Netter (2016) a mis en évidence le manque flagrant de communication entre les professeurs des écoles et les professionnels de l'animation tout au long de la journée (Netter, 2016). A cela s'ajoute le manque de moyens conséquent des enseignants qui doivent s'adapter au contexte, et par fatigue se désengager de la réforme, délaissant l'intérêt de l'enfant (Conrath, 2013).

Gouvernement

Positif

     Les auteurs ayant montré les arguments du gouvernement sur la réforme des rythmes scolaires n'ont aucun argument négatif à fournir. Ils ne seront que neutre (apportant des faits) ou positif (suivant la posture gouvernementale).

 

     Plusieurs auteurs vont mettre en avant les objectifs de la réforme : permettre une meilleure répartition des heures de cours d'enseignement sur la semaine, d'alléger la journée de classe et de programmer les enseignements scolaires dans les périodes où les élèves sont les plus concentrés (Béja, 2014 ; dir. Courty, & Dupeyron, 2017 ; Prévôt, 2015).

 

     Il est également fait mention des activités périscolaires qui doivent être conçues comme des activités complémentaires aux apprentissages scolaire (Netter, 2016), ou encore des solutions apportées aux communes afin de leur donner une marge de manoeuvre dans la mise en application de la réforme (Frémeaux, 2014).

Neutre

     Les arguments des auteurs sont d'ordre judiciaire et porte sur les modifications du décret initial de la réforme des rythmes scolaires. Cela s'exprime par la baisse du taux d'encadrement du personnel municipal en primaire afin d'alléger les conséquences économiques de la réforme sur les mairies (Forgeard, 2013). Dans le même ordre, le Ministre de l'Éducation Nationale a changé et assouplit la réforme des rythmes scolaires (Collectif AEDE, 2015) après la défaite de la gauche aux municipales de mars 2013 (Fourquet, 2014), comme expression du mécontentement face au travail du gouvernement.

Parents

Positif

     Pour les parents et comme d'autres acteurs, il n'y a pas de remise en cause de la nécessité de réformer les rythmes scolaires (Bonnard & Perret, 2016). Seule la mise en application pose problème face à la diversité des situations touchées par la réforme. Certains auteurs ont relevé que les familles où deux parents travaillent vont pouvoir économiser des frais de garde grâce à la situation mise en place par l'école le mercredi matin (Bonnard & Perret, 2016 ; Suchaut, 2013)

Négatif

     L'argument principal se retrouvant dans les articles scientifiques en faveur des parents est celui de l'incompatibilité entre temps familial et temps scolaire. L'enquête de l’Union Nationale des Associations Familiales réalisée en 2013 a démontrée que pour 42% des familles, les horaires des parents sont incompatibles avec ceux des enfants (Prévôt, 2015), et donc avec celui de l'école, ce qui oblige les enfants à rester plus longtemps au sein des établissements et augmente le temps passé à réaliser des activités périscolaires (dir. Courty & Dupeyron, 2017). Le temps des enfants ne peut être séparé de celui des adultes, tant au niveau professionnel que familial (Béja, 2014 ; Bonnard & Perret, 2016 ; Cavet, 2011).

 

     D'autres auteurs ont mis en avant le problème lié à l'activité professionnelle des parents en elle-même. En effet, l’absence de fréquentation des activités hors de la classe est liée à une activité restreinte d’un des parents, en sachant qu’une partie d’entre eux ont aménagé leur emploi du temps (Bonnard & Perret, 2016). Une hypothèse est posée : cette réforme impacterait davantage les femmes (Béja, 2014 ; Bonnard & Perret, 2016 ; Frémeaux, 2014 ; Prévôt, 2015)

     Selon Forgeard (2013) reprenant les arguments de la PEEP, la réforme est mal pensée : tous les enfants n'ont pas le même rythme.

Neutre

     La réforme des rythmes scolaires pèse fortement sur les collectivités territoriales, mais également certaines franges de la population qu'il convient de prendre en compte comme les familles monoparentales et divorcées dans les décisions (Prévôt, 2015), et les familles populaires (Decker, 2013). Il ne faut pas perdre de vue l'effort économique demandé par la réforme, dû au coût des activités en dehors de la classe (Bonnard & Perret, 2016).

Collectivités territoriales

Positif

    Deux points positifs ressortent,mis en évidence par Bonnard & Perret (2016) : la responsabilité dans le choix des activités périscolaires et le choix au niveau des horaires (parmi les possibilités laissées par la réforme). Démontré par Forgeard (2013) qui montre que les municipalités prévoient en grande majorité de supprimer 45 minutes de cours en fin de journée (acrophases), avant les activités municipales, pour permettre aux parents de venir chercher leurs enfants.

Négatif

    La seconde catégorie d'arguments concerne les activités périscolaires. Il convient de mentionner en premier lieu le manque de personnel qualifié au moment de l’entrée en vigueur de la réforme (en particulier dans les petites communes) : le recrutement de 300 000 animateurs au niveau national comme prévu par la réforme a été insuffisamment anticipé (Gaulène & Chevalier, 2016). A cela s'ajoute une distance culturelle entre les élèves et les animateurs, plutôt habitués aux enfants de centres de loisirs (qui ont l'argent pour entrer en centre de loisirs) et les enfants rencontrés lors des activités périscolaires venant de zone prioritaire (Netter, 2016). Cette même différence se rencontre dans les activités réalisées au sein des différentes communes : les élus parlent de "disparité de l'offre éducative" (Prévôt, 2015, p.23).

Experts

Positif

     Bonnard et Perret (2016) souligne la vision de l'ensemble des acteurs (parents, enseignants et spécialistes des apprentissages) concernant la nécessité d'une réforme des rythmes scolaires. Leconte soutient que cette nécessité de réformer est la cause des réformes antérieures qui ont vu passer le nombre d'heures hebdomadaires d'enseignement de 26h à 24h, sans toutefois modifier les programmes.

     L'OCDE, par sa position d'agence internationale au fait des situations éducatives, est un des acteurs en vue lors de la réforme. Outre les recommandations qu'elle produit, comme adapter les rythmes scolaires aux biorythmes de l'enfant (OCDE, 2013b), elle estime que la réforme des rythmes scolaires est un premier pas encourageant pour diminuer la fatigue des enfants (OCDE, 2013a). Tous les auteurs n'acceptent pas de reconnaître la légitimité de l'OCDE, Forgeard parlant de « l’humiliation scolaire que vit notre pays dans les comparaisons internationales » (2013, p.8), s'opposant sur ce point à l'emploi des chiffres de cette institution par Georges Fotinos (2012) pour son argumentaire.

     Outre l'aspect international, Cobast (2014) souligne l'un des points essentiels de la réforme des rythmes scolaires, à savoir la prise en compte de l'intérêt de l'enfant. Les retours des premières expérimentations scolaires sur les rythmes scolaires ont démontré chez les élèves des améliorations en terme de comportement, de réussite et une meilleure ouverture au monde (Fotinos, 2012). Selon Fotinos (ibid), la modifications des temps au sein de l’école permettrait à l’enfant de se créer un nouveau rapport à l’institution scolaire. Pour Leconte, l’objectif de la réforme des rythmes scolaires devrait être de prendre en compte les besoins de chacun et « donner ensuite une part proportionnellement à ses besoins selon une logique d’équité pour arriver gommer les inégalités devant l’école » (2014, p,203).

Négatif

     En 2012, Georges Fotinos reprend les travaux de l’Académie de Médecine en rappelant les effets néfastes d’une concentration des apprentissages sur 4 jours. Complété par Mougin (2013) qui affirme que la réforme des rythmes scolaires a augmenté les inégalités scolaires entre ceux ayant accès aux ressources culturelles et les autres. Mais il reste prudent quant-à l’arrivée de la semaine à 5 jours qui ne doit pas être considérée comme une panacée, ne garantissant en rien la résolution de ces problèmes. En effet, il apparaît que l’État va se décharger de ses responsabilités aux communes, tout en diminuant leurs dotations (Béja, 2014) : les logiques budgétaires semblent primer sur l’intérêt de l’enfant (Collectif AEDE, 2015). Le collectif AEDE (ibid) relève que la gratuité des activités périscolaires disparaît dans certaines communes. Cette absence de gratuité entraîne l’apparition, le développement d’inégalités dans l’accès aux activités chez ces communes désormais incapables ou peu volontaires de mettre en place cette gratuité.

 

     L’école est désormais prise entre deux modèles : celui de la 3ème République (modèle de l’égalité des chances) et celui de l’éducation-marchandise (Béja, 2014). Le modèle d’éducation-marchandise s’oppose à celui prôné par des chronobiologistes comme Leconte (2014), désireux de (r)établir un modèle équitable d’école grâce aux rythmes scolaires. Néanmoins, ces deux modèles entrent en conflits : les modalités d’application posent problème (Bonnard & Perret, 2016) et les intérêts des acteurs divergent (Cobast, 2014). Jeanneau (2012)pose ainsi le problème rencontré à l’annonce de la réforme des rythmes scolaires : la complexité de rallier chaque acteur à la réforme, chacun s’attachant à ses propres intérêts. Les professionnels du tourisme pensent avant tout à la perte possible engendrée par le changement de calendrier scolaire, les enseignants au travail supplémentaire à réaliser, les parents à l’organisation de l’emploi du temps familial et les collectivités territoriales à l’organisation des activités périscolaires et leur financement.

 

     Avec les différents assouplissements intervenus, le collectif AEDE (2015) met en avant les contradictions entre les objectifs initiaux de la réforme (mettant une cohérence entre les temps éducatifs) et le projet final (instaurant des temps cloisonnés), comme le peu de prise en compte du temps de pause méridienne, pourtant initialement signalé comme important par les chronobiologistes.

 

     Pour certains auteurs, la critique se tourne en direction du corps politique. Béja fustige la réforme des rythmes scolaires qui permettrait au gouvernement de « masquer les véritables problèmes de l’école, notamment primaire, en France aujourd’hui, grâce à un vernis de changement »(2014, p.55). Dans le même ton, Hubert Montagner (2013b) et Leconte (2014) soulignent les errements de la classe politique mettant en avant l’intérêt de l’enfant dans la réforme des rythmes scolaires, mais ayant enterré le rapport remis à Luc Châtel en 2011.

Neutre

     Selon Hubert Montagner (2013a, 2013b), la réforme des rythmes scolaires doit prendre en compte les 24 heures de la journée de l’enfant, en prenant en compte à la fois les temps familiaux, les temps scolaires et les temps d’influence du milieu familial. Le respect des rythmes de l’enfant ne peut se réaliser que lors d’une journée allégée mise en place dans un cadre régulier et ininterrompu. Forgeard (2013) approuve le point de vue de Montagner. Selon lui, les enfants sont moins concentrés en début de matinée et d'après-midi (batyphases) ; au contraire, ils le sont davantage en fin de matinée et d'après-midi (acrophases). Il s’oppose ainsi au choix pris par les mairies (souvent par soucis économique) de la suppression de 45 minutes d’enseignement en fin de journée, afin de permettre aux parents de venir chercher leurs enfants (ibid). Sur la prise en compte des 24 heures de l’enfant, Fotinos (2012) rend compte qu’une désynchronisation de l’enfant avec ses rythmes biologiques entre des troubles de l’apprentissage, tout comme des problèmes de sommeil. Deux points noirs ressortent. En premier lieu, l’absence de prise en compte de l’organisation annuelle dans le calendrier scolaire, ce dernier se concentrant sur l’emploi du temps journalier et hebdomadaire (Bonnard & Perret, 2016). Dans un second temps, Béja (2014) met en avant les deux directions vers lesquelles peuvent tendre les arguments des chronobiologistes : le bien-être de l’enfant et l’efficacité des apprentissages. Le risque de cette dernière tendance serait la volonté de vouloir maximiser les apprentissages et d’en arriver à un discours fondé sur la performance. Ceci risquerait de provoquer du stress, en opposition avec l’idée de bien-être, et de l’inégalité en opposition avec les idées d’égalité des chances défendues par Leconte (2014).

 

     Prévôt (2015) se pose la question suivante : la réforme des rythmes scolaires traite-t-elle de façon égalitaire les enfants sur le territoire français ? Il s’avère que la question a déjà été traitée par des auteurs comme Béja (2014) qui si la réforme est appliquée dans toutes les écoles publiques, les inégalités augmentent en grande partie à cause des activités réalisées hors de la classe. Defrance (2013) ajoute que la suppression de la classe le samedi matin bénéficie en particulier aux classes moyennes : si cette remarque concerne davantage la réforme de la semaine à 4 jours, elle peut être appliquée à la réforme des rythmes scolaires lorsque l’on sait qu’une toute petite minorité des communautés territoriales ont décider de choisir de basculer sur une organisation du temps scolaire avec le samedi matin.

 

     Netter (2016) souligne un fait notable concernant les activités périscolaires à Paris : Avec la réforme, 4 enfants sur 5 ont accès à des activités périscolaires à Paris, contre 1/5 auparavant en centre de loisirs. Se pose alors le problème évoqué auparavant de la distance culturelle entre animateurs et élèves de zone prioritaire (ibid). Netter (ibid) affirme que les bénéfices des activités périscolaires dépendent avant tout de l'enfant lui-même et de sa capacité et créer des liens entre les différentes informations rencontrées durant la journée, capacité différente selon l'enfant et son milieu social. On rejoint alors le propos de Béjà (2014) qui soulignait l’augmentation des inégalités en rapport avec les activités périscolaires : les activités périscolaires sont différentes entre les écoles, les enfants également. Une activité complexe avec un encadrement limité en zone prioritaire n’aura pas le même impact qu’une activité avec plus de moyens et mieux pensée pour l’enfant.

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